mercredi 11 novembre 2009

Approche graphémologique

Mohsen Hafezian


Résumé français

Le présent article est une contribution à l’étude de la syntaxe interne du mot écrit. L’analyse graphémologique du mot écrit s’effectue sur deux plans distincts de la construction lexicale : le plan de l’expression et le plan du contenu. Sur le plan de l’expression, les constituants phonogrammiques et, sur le plan du contenu, les constituants morphogrammiques et lexicogrammiques forment les champs d’observation. Les données de ces deux niveaux de construction, sont l’objet de deux types d’analyse : une analyse distributionnelle et une analyse fonctionnelle. Les unités génériques de chacun de ces deux plans sont isolées par l’analyse distributionnelle. L’analyse fonctionnelle s’intéresse à la fonction de ces unités au sein des mots écrits.


English summary


The present article is a contribution to the study of internal syntax of the written word. The analysis of the written word is made on two plans different from the lexical construction: the plan of the expression and the plan of the contents. From the point of view of the expression, phonogrammic constituents and, from the point of view of the contents, morphogrammic and lexicogrammic constituents form the fields of observation. The data of these two levels of construction, are the object of two types of analysis: a distributional analysis and a functional analysis. The generic units of each of these two plans are isolated by the distributional analysis. The functional analysis is interested in the function of these units within the written words.



Pour une approche graphémologique

du mot écrit


Sur sa pierre tombale, on lit : Ci-gît Martin Dupont qui aimait l’orthographe. Un jour, quand il était instituteur, et vivant, et quand j’étais élève et petite, j’écrivis : « J’aimes ma maman. Il pleuent. J’aime tous les copains de classe, excepté Amélie. Ma grande-mère s’est offerte un cadeau ». Là, lui, qui tenait beaucoup à son crayon rouge et à l’orthographe, mettait le rouge partout. Pour excepté, il mit un e, il le barra, il le remit. Il avait l’air hésitant.

- S de j’aimes ?

- Pasque j’aime beaucoup Maman.

- Nt de il pleuent ?

- Pasque y’en a plusieurs… Et pis, pour e de grande-mère et e de offerte, vous savez, ma grand-mère, elle, c’est une fille.

Moi, j’aimais ma maman et détestais toujours Amélie. Ma grand-mère resta, jusqu’à son dernier jour une fille. La pluie, elle, arrosait abondamment le ciel gris de Lille. Lui, il continuait à nous apprendre que théâtre avait un h qui ne se prononçait pas, que l’on pouvait arbitrairement écrire escher, aicher ou écher, qu’il fallait mettre un tréma sur e de aiguë, que le pluriel de brutal était brutaux, mais le pluriel de natal était natals, que l’on écrivait trois mille dollars, mais que trois milles marins, et que nouveau de nouveau-nés n’avait pas besoin de s.

À l’époque, quand j’étais petite et élève, j’aimais écrire : Ci-gît le crayon rouge.


L’expression écrite, en tant que mode de la communication linguistique, est le centre d’intérêt du présent article. L’expression écrite, susceptible de véhiculer les mêmes contenus sémantiques et/ou référentiels que communique l’expression verbale, n’est pas une simple représentante de cette dernière. Le concept de ligne parallèle que l’on a coutume de tracer entre oral et écrit est, nous semble-t-il, lié à l’identité de l’univers perceptible et à la capacité partagée des hommes de concevoir l’univers et d’en communiquer la conception par divers moyens d’expression. Si l’enfant est naturellement prédisposé dès les premières semaines de son existence à l’acquisition de l’expression verbale, ses premiers pas vers l’acquisition de l’expression écrite ne se font qu’assez tardivement, et, généralement, dans un milieu institutionnel. Plus tard, et avant même de devenir chez l’élève un moyen d’expression, les formes écrites constituent un moyen pour la stabilisation de certains acquis langagiers et pour le repérage de différents mots ou énoncés dont la distinction ne se fait nullement à l’oral. Ainsi, chaque fois que la langue orale n’arrive pas à se faire entendre, l’écrit s’affiche comme une référence et un support pédagogique. Au vu de ces considérations et aux confins de la linguistique et de l’enseignement de l’écrit, l’objectif du présent article est de présenter brièvement notre modèle théorique de l’étude du mot écrit. Cette approche prend racine dans les enseignements de Louis HJELMLEV, Nina CATACH et Claude GRUAZ.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, une brève description des prémisses de notre approche, à savoir la notion d’identité relative, d’identité complexe et celle de classification, s’avère indispensable. C’est de quoi nous allons parler dans les deux premières parties.

1. Identité relative, identité complexe

L’unité linguistique, comme toute unité, est une unité constituée. Elle est constituée d’un réseau organisé de moyens d’expression et d’un concept qui revêt lui-même un ensemble de notions. Mais si c’est le cas, il paraît légitime de nous demander en quoi consiste l’identité d’un signe linguistique ? Dans quelle mesure peut-on distinguer un adjectif d’un adverbe ? Sont-ils reconnaissables comme des unités fermées en elles-mêmes ou se définissent-ils en termes de rapport et d’opposition à un autre signe du même ensemble ? S’il est admis que "La définition d’identification est négative […]".[i], l’unité linguistique ne peut manifester son identité que par la différence. Autrement dit, elle n’est pas identifiable en elle-même mais par les traits distinctifs qui la séparent d’autres membres d’une même classe et par la place différente qu’elle occupe dans un ensemble. Les traits distinctifs évoqués, souvent variés et nécessairement sélectionnés selon la finalité de la recherche et le champ d’observation, peuvent porter aussi bien sur la forme que sur la fonction, sur la distribution ou encore sur d’autres aspects. Mais, dans tous les cas de figure, le principe d’identification reste, nous semble-t-il, le même.

A cet égard, la méthode distributionnaliste des paires minimales prend racine dans le refus de reconnaître un objet isolé au même titre que l’approche fonctionnelle qui exige la définition d’un objet par sa fonction au sein d’un système.[ii] A partir de ces remarques, on peut voir que le principe dialectique d’identification est, explicitement ou implicitement, basé sur le refus d’atomiser l’objet et d’y reconnaître un objet en soi. En disant que le critère d’identification se saisit des fonctions particulières de l’objet et que ces fonctions nous permettent de le distinguer de l’ensemble où il s’inscrit, nous introduisons, en fait, une série de notions qui s’enchaînent et qui dépassent largement la frontière de l’objet proprement dit. Jusqu’ici, nous avons parlé de l’identification d’une unité qui se fait connaître par opposition à une autre unité. Toutefois, ce critère identificatoire général demande certaines précisions. Qu’est-ce qu’une unité ? Est-ce que eu /V/ est au même titre "unité" que acteur, -eur, et l’acteur meurt ? En quoi consiste alors cette unicité ?

Le fait de saisir une unité par sa participation et son appartenance à un ensemble organisé, c’est élargir et multiplier les traits oppositionnels et, de là, on aboutit à une multiplication des critères définitionnels. De fait, l’unité peut s’identifier non seulement par sa distribution ou par sa place hiérarchisée dans une unité plus étendue mais aussi par sa propre structure combinatoire, par la fonction de ses constituants et par sa propre fonction. Dans ce cas, l’unité observable en question ne sera plus identifiée par une seule opposition mais par une multiplicité d’oppositions.

Nous en concluons qu’une unité identifiée dans sa globalité par un ensemble d’oppositions variées mais complémentaires est une unité complexe. C’est précisément à cette complexité et à cette identité relative de l’unité que la réflexion scientifique conduit quel que soit son objet.[iii] Dans cette perspective, le mot n’est pas, tout comme la phrase, une donnée immédiate. Prenons acteur comme exemple :

i. il est l’un des constituants d’une unité plus étendue qui est la phrase l’acteur meurt,

ii. il est formé d’un radical (act-) et d’un morphème (-eur),

iii. il est constitué de six unités graphiques (a, c, t, e, u, r),

iv. il est également constitué de trois unités graphiques qui transcrivent trois phonèmes (a [a], c [k], t [t]) et de trois unités graphiques qui transcrivent deux phonèmes eu /œ/ et r /r/.

2. Classification

Une fois l’identification des traits définitoires faite, on peut sans peine imaginer la possibilité d’un groupement et d’une classification des unités qui partagent partiellement, par exemple, la même fonction, ou manifestent la même construction, ou font partie de la même distribution. A cet instant, on rejoint F. de SAUSSURE (1972 : 25, 177) qui affirme : "Dans la langue, tout revient à des différences, mais tout revient aussi à des groupements". et "La langue, au contraire [du langage], est un tout en soi et un principe de classification".

Alors, une précision sur la notion de classification s’impose. Qu’est-ce qu’une classification ? Nous venons de constater que l’unité linguistique, dans sa globalité, est définissable par une multitude de critères, et que l’exigence de cette multitude prend racine dans sa complexité fondamentale. Il y a toujours une correspondance directe entre le nombre de traits caractéristiques, celui de critères définitionnels et le nombre de classes réalisables. La classification consiste en une abstraction des traits caractéristiques, en une sélection d’un ou de plusieurs critères, parmi les critères définitionnels possibles, afin de constituer une classe : "Une classification, c’est une théorie implicite ; c’est une hypothèse sur les caractères significatifs ; c’est l’annonce d’une théorie explicite qui la justifiera et l’expliquera."[iv]

Il en résulte que la formation et la stabilité de la classe et aussi l’homogénéité de ses unités dépendront d’une analyse cohérente ; l’analyse qui fait partie d’une théorie qui, par définition, est exhaustive et exempte de contradiction.[v]

Il importe de remarquer qu’entre unité à classer et classe attribuée à l’unité ainsi qu’entre critères définitionnels et traits caractéristiques, il y a une relation réciproque et une circularité inévitablement présente. A ce propos MORIN E . (1997 : 19) précise que "Concevoir la circularité, c’est dès lors ouvrir la possibilité d’une méthode qui, en faisant interagir les termes qui se renvoient les uns les autres, deviendrait productive, à travers ces processus et échanges, d’une connaissance complexe comportant sa propre réflexivité".[vi] Cette circularité se traduit partiellement par le fait que l’identification des traits caractéristiques d’une unité consiste déjà à leur attribuer des classes préétablies. Par exemple, le fait de constater que le -eur, dans le mot acteur, est un suffixe est dire qu’il existe une classe de suffixes dont il fait partie. Cette classe est, à son tour, définie par des critères théoriques qui tiennent compte de tels ou tels traits caractéristiques du suffixe. Nous pouvons même avancer que l’identification des unités par leur opposition est faite, dans une large mesure, par référence à des critères définitoires du cadre théorique.

En effet, à chaque changement de conception s’impose un changement de classification. L’identification et la classification des éléments constituants de la phrase dans l’histoire de la tradition grammaticale occidentale sont fort révélatrices de cet aspect subjectif.[vii] Comme nous pouvons le constater, la circularité entre les paramètres objectifs et subjectifs est entière. C’est ce qu’exprime L. HJELMSLEV : "[…] l’identification de la composante présuppose celle de la classe, et la définition de la classe présuppose celle de l’analyse".[viii] La circularité en question mène le même auteur à proposer une démarche théorique qui consiste au passage de la classe à la composante.[ix]


3. Plan de l’expression, plan du contenu

L’unité linguistique, comme toute unité complexe, est susceptible d’être rangée dans différentes classes et aussi d’être analysée en des composantes minimales identifiables par leur appartenance à d’autres classes.[x] L’analyse du signe linguistique est fondée sur une série d’oppositions dichotomiques telles que substance / forme, expression / contenu ou oral / écrit. Chacune de ces notions contribue, d’un côté, à former une classe des unités et ses propres subdivisions, et, de l’autre côté, à déterminer les zones de croisement avec d’autres notions. Bien que ces croisements notionnels se présentent perpétuellement dans toute étape de l’étude du signe linguistique, une bonne méthode consistera en une précision de notre point d’observation à chaque analyse.

Dans cette partie, nous allons examiner le signe linguistique sous l’angle de la dichotomie expression / contenu. Le signe linguistique peut être saisi sous deux aspects différents, mais liés à son essence. Il va de soi qu’il y a une relation réciproque entre ces deux plans. Cependant, comme HJELMSLEV L. (1966 : 138) le précise : "Le langage n’est pas tel qu’à chaque élément du contenu corresponde un seul élément de l’expression et vice versa ; la correspondance est entre unités du contenu et unités de l’expression, chaque unité étant composée d’une pluralité d’éléments". Il s’ensuit que, par exemple, le contenu unique du mot "arc en ciel" est évoqué par trois figures graphiques "arc", "en" et "ciel". De même, les traits sémantiques [+ masculin] , [+ agentif] et [+ humain] du suffixe eur dans le mot oral "[Gofœr]" sont signalés par deux phonèmes [œ] et [r]".

Dans notre cadre théorique, l’unité lexicale peut être étudiée sur deux plans à la fois distincts et complémentaires : le plan de l’expression et le plan du contenu. Chacun de ces deux plans se prête à des subdivisions selon les caractéristiques essentielles des classes et des unités qui en font partie. Ces classes sont dénommées, dans la terminologie de C. GRUAZ (Cf. 1987, 1988, 1990) des strates. Ainsi, dans le cadre d’une étude lexicologique, le plan de l’expression contient deux strates : les strates phonématique et graphématique.

Il est à préciser que les unités du plan de l’expression ne sont pas équivalents des "signifiants". Le signifiant est en effet décrit avec le moyen des unités du plan de l’expression. Le signe linguistique appartient alors dans sa globalité au plan du contenu. C’est dans ce sens que nous parlerons, dans ce qui suit, des unités du plan de l’expression. Les strates morphématique et lexématique, quant à elles, appartiennent au plan du contenu. Une strate se définit alors par les types d’unités qu’elle revêt. Les unités minimales des strates des deux plans sont isolées par des critères distributionnels.

L’unité minimale et générique isolée par ces critères est soit la plus petite unité distinctive soit la plus petite unité commune dans des paires minimales. Le graphe, le phone, le morphe et le lexe sont respectivement les unités génériques des strates graphématique, phonématique, morphématique et lexématique.[xi]


4. Substance et forme

La notion d’opposition dichotomique substance / forme n’est pas une invention de la linguistique moderne. Depuis l’Antiquité, cette notion, aux dénominations et/ou définitions différentes, est présente dans la pensée de nombreux philosophes.[xii] L’opposition substance / forme a été introduite dans le domaine de l’étude linguistique par l’enseignement de F. de SAUSSURE où la langue est définie comme une forme, non comme une substance. Chez ses successeurs, cette notion trouve son élargissement en s’appliquant au plan de l’expression et à celui du contenu.

Ainsi, pour L. Hjelmslev (1971 : 100) : "La substance des deux plans peut être considérée en partie comme constituée d’objets physiques (les sons dans le plan de l’expression et les choses dans le plan du contenu), et en partie comme la conception que le sujet parlant a de ces objets ; il faudrait donc effectuer, pour les deux plans, une description physique et une description phénoménologique du sens". La substance est le support tangible de la manifestation de la forme. Cependant, elle ne peut être déterminée qu’à travers une forme.[xiii] La forme en question peut être définie comme mode d’existence [xiv] de la substance au sein d’un système. Par conséquent, il est tout à fait possible que, lors du passage d’un système linguistique à un autre, la même substance soit différemment traitée à travers des formes différentes.

C. GRUAZ (1987 : 11) le précise ainsi : "La forme apparaît ainsi essentiellement comme un découpage du monde réalisé par une communauté donnée, découpage dans l’univers sonore ou visuel qui est la forme de l’expression, découpage dans l’univers des objets concrets ou abstraits qui est la forme du contenu (par ex. découpage de l’univers des couleurs de l’arc en ciel en 7 formes du contenu en français, 3 en chona, langue de Zambie, 2 en basse, langue du Libéria, cf. Gleason, 1969, p. 9) ."

Cette approche privilégie la description de la forme, non pas celle de la substance, comme base de la description linguistique. C’est à partir de la notion de forme que nous pouvons parler de la fonction, et du rôle caractéristique des unités de chaque strate dans le système linguistique.

De la dichotomie substance / forme, découle, dans notre cadre théorique, une subdivision des strates des deux plans en des sous-strates de la substance et des sous-strates de la forme. Ainsi, la strate phonématique se divise en sous-strate phonétique et sous-strate phonémique, la strate graphématique en sous-strate graphétique et sous-strate graphémique, la strate morphématique en sous-strates morphétique et morphémique et la strate lexématique en sous-strates lexétique et lexémique.


Dans la limite de cet article, nous nous penchons, dans ce qui suit, sur les modalités d’articulation des constituants de la strate morphématique dans le contexte interne de l’unité lexicale et dans les strates phonématique, morphématique et lexématique. Comme nous allons voir, la répartition des constituants de la strate graphématique dans les strates et dans les domaines distributionnel et fonctionnel est due à la fois à la présence simultanée de deux grandeurs, l’expression et le contenu, et aux fonctions hiérarchisées et croisées de ces unités dans le système d’écriture du français. Ces classifications corrélées sont, dans le sens le plus large du terme, des saisies différentes, issues de coupages variés, d’une seule réalité – qui est l’entité linguistique.

5. Strate graphématique

Comme nous l’avons évoqué plus haut, l’unité minimale de la strate graphématique se prête à deux types d’analyse distincts. L’analyse de la substance et l’analyse de la forme des unités graphiques minimales attribuent une subdivision de la strate graphématique en deux sous-strates : la sous-strate graphétique et la sous-strate graphémique. Dans les pages qui suivent, ces deux aspects de l’unité graphique sont les cadres préalables de notre recherche.

- sous-strate graphétique

La sous-strate graphétique comprend les unités de la substance de l’expression écrite. Nous entendons par substance graphétique l’ensemble des primitives comme arcs de cercle, segments de droite, points (dans l’écriture du persan, par exemple), et leurs attributs, c’est-à-dire la direction, la longueur, le sens de rotation, etc. La combinaison variée, mais structurée et normée, de ces substances donne naissance aux différents caractères de chaque langue.

- Sous-strate graphémique

La sous-strate graphémique réunit les unités de la forme de l’expression écrite. L’unité de la forme graphémique est alors celle qui est attribuée à une valeur, à un fonctionnement, ou au cas échéant, à un non-fonctionnement, dans le système d’écriture en question. Dans cette partie, notre champ d’observation se limite exclusivement à la forme graphémique. L’identification des unités minimales de la forme graphémique, précède, à notre sens, le processus d’identification des unités minimales des strates morphématique et lexématique.

Dans ce qui suit, nous parlerons du graphème, en tant qu’élément fonctionnel, et du graphon, élément non fonctionnel de la strate graphématique.

6. Graphème

Selon N. CATACH (1986 : 16), le graphème est "La plus petite unité distinctive et/ou significative de la chaîne écrite composée d’une lettre, d’un groupe de lettres (digramme, trigramme), d’une lettre accentuée ou pourvue d’un signe auxiliaire, ayant une référence phonique et/ou sémique dans la chaîne parlée".[xv] Le graphème assume trois types de fonction dans la langue écrite. C. GRUAZ (1990 : 59) le formule de la manière suivante : "le classement des graphèmes reproduit homologiquement les trois strates phonémique, morphémique et lexémique. Nous avons vu qu’ils assurent en effet par définition […] une ou plusieurs des fonctions suivantes : 1. la fonction de transcription de l’oral, ce sont les phonographes ; 2. la fonction morphologique, ce sont les morphographes ;3. la fonction des lexèmes, ce sont les lexographes."

Ainsi, le graphème est la plus petite unité de la forme graphématique.

6.1. Composants phonographiques

Le graphème examiné sous sa correspondance avec l’unité de l’oral est un phonogramme. L’étude de la stabilité et/ou l’instabilité de la correspondance du graphème avec l’unité de l’oral, qu’elles soient liées au contexte lexical ou au contexte syntaxique, fait apparaître deux types de phonogrammes : les phonogrammes stables et les phonogrammes instables.

i. Les phonogrammes stables. A ce propos, N. CATACH (1986 : 30) qualifie le phonogramme stable sous un autre angle : "Un graphème est reconnu comme tel s’il se trouve intact dans divers contextes, en toutes places du mot ou du groupe de mots, sans modification substantielle […]." A cet égard, parmi les phonogrammes français, un cas particulier mérite notre attention. Les transcriptions phonétiques attribuées aux deux graphèmes v /v/ et j /F/ dans le Petit Robert Électronique (1997) (Dorénavant PRE) démontrent qu’ils échappent à toute relativité de la correspondance phonogrammique due aux contextes lexicaux et/ou syntaxiques.[xvi] Ils relèvent tous de la monovalence graphématique.

Il est fort intéressant de noter que toutes autres unités graphiques du français, prises dans leur relation avec l’oral, sont des phonogrammes instables.

ii. Les phonogrammes instables. Toute unité graphique qui selon le contexte lexical ou syntaxique relève de différentes correspondances avec l’oral est un phonogramme instable. Par exemple, le s est un phonogramme instable dans la mesure où dans le contexte syntaxique de temps en temps, il transcrit le phonème /z/, et dans le temps est beau, il reste muet. En ce qui concerne le contexte lexical, les phonogrammes instables relèvent de deux cas de disjonctions graphématiques. Dans le premier cas, le phonogramme a plus d’une correspondance avec l’oral. A titre d’exemple, l’unité graphique t peut transcrire les deux phonèmes /t/ et /s/ dans les mots stade et nation. La même unité ne transcrit aucun phonème dans le mot ablégat.

Cette disjonction, réalisée par la correspondance d’un seul phonogramme à plusieurs phonèmes, a une double face qui consiste en la correspondance d’un seul phonème à plusieurs phonogrammes. Par exemple, le phonème /s/ peut être transcrit par t (ex. nation), par c (ex. citron) et par s (ex. stade). Cela relève de la deuxième cas de disjonction graphématique.

6.1.1. Phonogrammes bijectifs

La relation bijective s’établit là où dans un mot donné un phonème est en correspondance avec un seul graphème (ex. p /p/, a /a/ et r /r/ dans le mot par).

6.1.2. Phonogrammes conjonctifs

Parmi les composantes phonographiques, la conjonction graphématique se manifeste là où un phonème est transcrit par un phonogramme complexe. Un phonogramme complexe, constitué de plusieurs unités graphiques, transcrit un seul phonème. A titre d’exemple, on peut citer le ch de psychique et le ph de photo.

L’étude de N. CATACH (1986 : 15) sur les composants des phonogrammes conjonctifs est fort intéressante. Elle cite une série de 72 graphèmes phonogrammiques qui servent à transcrire les 11 voyelles du français (dont quatre nasales).[xvii] L’observation montre que la combinaison des 21 monogrammes (à savoir a, à, â, i, ï, î, e, é, è, ë, ê o, ô, u, ü, û, ù, y, h, n et m) donne naissance à 38 digrammes et à 7 trigrammes. Ajoutons que les monogrammes m, n, h apparaissent toujours comme des constituants de phonogrammes vocaliques complexes. Le même auteur isole 8 digrammes (th, qu, gu, gh, sc, ge, gn et ng) et 5 trigrammes (cqu, cch, sth, sch, et ign) qui constituent l’ensemble des 13 phonogrammes conjonctifs consonantiques. Les 11 monogrammes constituants de ces phonogrammes conjonctifs sont : t, h, q, g, p, s, c, n, i, u et e. Les phonogrammes consonantiques b, d, f, l, v et j ne font partie d’aucun phonogramme conjonctif.[xviii]

6.1.3. Phonographon

L’unité graphique qui ne transcrit aucun phonème mais qui assure une fonction d’appoint dans le rapport avec l’oral est un phonographon.[xix] Les phonographons du français sont :

i. La première consonne diacritique dans une gémination graphique qui transcrit un seul phonème (ex. s de accession).

ii. Le h intralexical (ex. h de cahier et de chahut). La présence du h dans ces mots sert à séparer deux phonogrammes qui sont susceptibles de transcrire une seule voyelle. Le h de héros est aussi un phonographon dans le sens où sa présence empêche la liaison entre s et é de les héros.

iii. Le e diacritique (ex. le e de douceâtre et e de garage).

Dans certains contextes lexicaux, les signes auxiliaires, ou paragraphons, comme l’accent grave, le tréma et la cédille peuvent assurer les mêmes "fonctions" qu’assurent les phonographons : "[] - l’accent grave, équivalent à la première consonne de certaines géminées graphiques (ex. pèle/pelle, […]) ; - le tréma, équivalent du h intervocalique (ex. païen) ou marque phonogrammique diacritique (ex. aiguë, il indique que le u est prononcé), parfois remplacé dans cette fonction par l’accent circonflexe (ex. piqûre, […]) ; - la cédille, équivalent de e diacritique (ex. arçon)." [xx] Le dernier cas se manifeste clairement là où la cédille alterne avec e diacritique dans la variante graphique d’un mot (ex. douceâtre/ douçâtre) ou dans certains termes d’une chaîne dérivative (ex. chance/ chançard, pince/ pinçard).

6.2. Composants morphographiques

Dans les pages précédentes, le champ d’observation a été exclusivement focalisé sur les rapports des unités minimales de la sous-strate graphémique avec l’oral. Cependant, cette approche, à elle seule, ne peut pas mettre en évidence toutes les fonctionnalités desdites unités. Le graphème, comme unité minimale de la forme graphématique, peut également instituer un rapport avec le contenu linguistique.

Le composant phonographique est alors l’unité minimale de la sous-strate graphémique ayant des fonctions sur le plan du contenu. Selon le champ de leur apparition, leur rapport avec l’oral et le degré de leur participation au sens du mot, quand ce dernier est un mot construit, les phonographes se repartissent en deux groupes : les morphémogrammes et les morphogrammes.

6.2.1. Morphémogrammes

Le morphémogramme est un graphème (composé ou simple) qui, transcrivant un seul phonème, véhicule une information sémantique au sein d’un mot construit. Si ce dernier est un mot fléchi, le morphémogramme, porteur d’indications de temps, de personne, de mode, d’aspect, de genre et de nombre, est un morphémogramme grammatical. Ainsi, ai et a dans les mots dirai et parlera sont des morphémogrammes grammaticaux. Les morphémogrammes lexicaux sont des morphèmes affixaux (préfixaux et suffixaux) qui, transcrivant un seul phonème participent à la construction de nouvelles unités lexicales. A titre d’exemple, on peut citer é-, a-, en-, -u, -in, -ot, -ant et -eux dans les mots écru, anormal, endenté, branchu, poupin, pâlot, brillant, courageux.

6.2.2. Morphogrammes

Les morphogrammes sont les graphèmes qui, dans un couple issu de dérivation ou de flexion, peuvent :

i. avoir des correspondances différentes avec l’oral, et/ou ii. modifier la correspondance phonogrammique des unités graphiques qui les précèdent, et/ou iii. assurer la fonction d’un morphème.

Les morphogrammes se divisent, comme nous l’avons vu dans le cas des morphémogrammes, en deux groupes : les morphogrammes grammaticaux (ex. s de chats, e de amie) et les morphogrammes lexicaux.

Les morphogrammes lexicaux peuvent être internes ou finaux.[xxi] Dans le couple main / manuel, le morphogramme a une fois qu’il est intégré dans le graphème phonogrammique ain /R/ et, une fois qu’il transcrit à lui seul le phonème /a/, est un morphogramme interne. Le d du mot blond est, en revanche, un morphogramme final. Ce graphème, qui est muet dans le mot blond, transcrit le phonème /d/ dans le mot blonde. Le graphème e est ici à la fois un morphogramme grammatical de genre et une marque diacritique qui fait prononcer le d muet de blond. Un morphogramme final peut faire partie d’un morphémogramme. C’est le cas, par exemple, du t du morphémogramme -ant dans le couple brillant / brillante.

La variété des rapports phonographiques des morphogrammes peut être accompagnée de modifications formelles. Dans le couple heureux / heureuse, le morphogramme muet x alterne avec s qui, suivi de e, transcrit le phonème /z/, c’est-à-dire une marque phonique du féminin. Cette modification formelle est aussi observable, par exemple, dans les couples pont / ponceau, musique / musicien et voix / vocal.[xxii] L’autre modification formelle se fait par le dédoublement de la consonne morphogrammique (ex. t et s dans les couples sot / sotte, gras / grasse). N. CATACH (1986 : 247) considère ces deux types de modifications formelles comme des marques indirectes. Ces dernières s’opposent aux marques directes qui ne manifestent aucune alternance graphique et dont le seul changement est celui de leur rapport avec l’oral (ex. d du couple blond / blonde).

6.3. Composants lexographiques

Les composants lexographiques sont des unités graphiques susceptibles d’avoir des informations lexicales.

Les lexographes se répartissent en deux groupes : les lexémogrammes et lexogrammes.

Le graphème phonogrammique qui transcrit un lexème à lui seul est un lexémogramme. A titre d’exemple, eau de "l’eau fraîche", a de il a, à de à table et un de un homme sont des lexémogrammes.

Les marques graphiques qui différencient les mots homophones sont des lexogrammes. Ces marques peuvent être un graphème simple (ex. h de thon / ton), un graphème composé qui alternant avec un graphème simple (ex. saut / sot) ou un signe adscrit (ex. forêt / foret)".[xxiii]

7. Graphon

Les graphons sont des unités graphiques qui, faisant partie de l’image globale du lexème, ne jouent aucun rôle, ni dans la transcription des phonèmes, ni dans l’émergence d’un sens lexical, dans la distinction de deux lexèmes homophones non plus. Le h de rythme et le x de perdrix[xxiv] en sont des exemples. Les graphons sont souvent les traces de l’évolution de l’écriture. Par exemple, les Romains se servaient de h pour représenter le "souffle" qui accompagnait certaines consonnes grecques (le /p/, le /t/, le /k/), ce qui est entièrement neutralisé dans le français d’aujourd’hui.[xxv] Il n’est pas sans intérêt de souligner le cas du k final précédé de c dans certains mots d’emprunt comme bock, jack, stock, trick (Var. tric), truck (Var. truc). Du fait que l’absence du k ne modifiera pas la prononciation du mot, et que le phonogramme c à la position finale du mot français transcrit souvent à lui seul le phonème /k/ [xxvi] (ex. caduc, craspec, chic, vioc (Var. vioque), etc.), le k est, à notre sens, un graphon.

Arrivé au terme du présent article, il nous paraît légitime de nous questionner sur les champs possibles et concrets d’application de cette approche théorique.

Perspectives de recherche

Les problèmes liés à l’apprentissage de l’écrit d’une langue sont multiples et concernent différents niveaux de la construction linguistique. L’application de la théorie que nous venons d’exposer aux différents champs de recherche qui concernent l’écriture est, à notre sens, fructueux à plus d’un titre. Cette approche permet :

- de rendre compte du processus échelonné de l’acquisition de l’écrit. Les résultats concrets de l’application de cette approche jalonneront le chemin que l’apprenant fait durant son apprentissage. Il va sans dire que la production écrite de l’apprenant n’est nullement l’imitation simple de signes fragmentés. Les constituants de la masse amorphe des signes écrits se caractérisent et se distinguent peu à peu selon les progrès que l’apprenant fait dans son apprentissage. L’apprenant finit toujours par induire certaines régularités dans les rapports mutuels des éléments constituants. Ces quêtes de la régularité qui sont les premiers pas de la compréhension de l’écrit en système, permettent à l’apprenant d’organiser ses acquis. La surgénéralisation, l’analogie injustifiée ou l’amalgame sont inévitablement présents dans les premiers pas de cet acte de systématisation des saisies langagières de l’apprenant. Les acquis précédents s’actualisent dans les productions écrites de l’apprenant où les différents types de productions erronées comprennent en effet les indices des différentes étapes de l’évolution en question. La classification de ces produits erronés, selon leur appartenance aux différents niveaux de construction linguistique, dans les classes appropriées s’avère une exigence méthodologique. Notre approche théorique peut être une réponse à cette exigence. Il doit en ressortir un outil opératoire et applicable au processus concret de l’apprentissage de l’écrit.

- de déterminer les frontières de l’interlangue. L’apprenant d’une langue étrangère est, par définition, quelqu’un qui possède déjà une langue. Cela veut dire qu’il possède un système de règles intériorisé lui permettant tout acte de communication dans sa propre communauté linguistique. Selon les étapes du processus de traitement de l’écrit du français langue étrangère, et suivant le niveau de l’apprentissage, l’apprenant a recours à des connaissances explicites ou implicites du système de sa propre langue. Lors de l’apprentissage de l’écrit du français, ce système en place ne se met pas à l’écart. Il intervient constamment et devient un outil de jugement sur le nouveau système à acquérir. Le processus de l’apprentissage de l’écrit d’une langue étrangère est un processus dynamique, un processus d’interaction constant, mais évolutif, entre deux systèmes linguistiques qui se voient croisés à travers l’acte d’acquisition de l’apprenant. L’interaction en question s’observe couramment dans les traits partagés, voire identiques, des produits écrits, ou verbaux, d’un groupe d’apprenants ayant la même langue maternelle. Notre outil théorique et les dispositifs qu’il présente nous facilitent la tâche de démonter les zones de rapprochement et d’éloignement dans les deux langues et, par conséquent, de préciser les zones de difficulté auxquelles l’apprenant peut, potentiellement, être confronté. Cela élucidera les éléments concrets de l’interaction permanente des systèmes d’écriture mis en œuvre dans le processus d’acquisition et/ou de production langagier de l’apprenant de l’écrit du français langue étrangère.

- de mettre accent sur les fondements systémiques de l’écrit du français là où la pratique lexicographique affiche des hésitations à transcrire les formes écrites des mots. Les entrées dictionnairiques à double ou à triple orthographe (ex. intelligentsia / intelligentzia, aruspice / haruspice èche / aiche / esche, akène / achaine / achène) sont les résultats immédiats de cette hésitation. Ce domaine comprend évidemment les mots issus d’emprunt et de néologisme.

- de tracer les lignes directrices d’une éventuelle rectification de l’orthographe du persan dont les difficultés liées à l’apprentissage et à l’enseignement ne sont nullement négligeables. Dans ce domaine, l’introduction des notions de graphème, unité fonction de la strate graphématique (ex. t de théâtre), et de graphon, unité non fonctionnelle de ladite strate (ex. h de théâtre) est, nous semble-t-il, fort fructueuse.

Notes



[i] SAUSSURE F. de (1972), p. 151.

[ii] "La seule manière de connaître (décrire, comprendre) un objet est de connaître ses fonctions ; ce qu’on fait, d’une part, en le divisant en parties ayant des fonctions réciproques (analyse), et, d’autre part, en le classant dans un ensemble dont les parties ont des fonctions réciproques (synthèse)". HJELMSLEV L. (1985), p. 76.

[iii] "Dans toute la science physique, il n’y a pas une chose qui soit une chose". KEY J. cité dans MORIN E. (1977), p. 94.

[iv] ULLMO J. (1958), cité dans FOUQUIÉ P. (1969), p. 97. Précisons que le terme "classe" y est considéré comme synonyme de catégorie et de paradigme.

[v] "On appellera classe l’objet soumis à l’analyse, et composantes de cette classe les objets qui sont enregistrés par une seule analyse comme dépendant les uns des autres et de la classe de façon homogène". HJELMSLEV L. (1996), p. 44.

[vi] Les frontières floues et entrelacées des définitions qui sont attribuées à la notion de classe, de catégorie et d’unité mènent souvent à des confusions terminologiques. A ce propos, la remarque que L. Hjelmslev (1985: 32). fait à M. PESKOVSKIJ est très significative : "M.PESKOVSKIJ. fait preuve d’un emploi un peu excessif du terme « catégorie ». Ainsi il parle de « catégories » où nous dirions « morphèmes », termes d’une catégorie".

[vii] A la division de la phrase (logos), faite par Platon, en composant nominal (onoma) et composant verbal (rhéma), survient la division d’Aristote qui, tout en acceptant cette distinction, ajoute un troisième composant syntaxique : syndesmoi, dont les sous-classes sont l’article, le pronom et la conjonction, etc. L’épithète, étant un élément surajouté du point de vue rhétorique, est classée, chez Aristote, dans la catégorie rhéma. Depuis, il a fallu attendre des années pour que Denys le Thrace range l’épithète dans la classe nominale. Cf. ROBINS R. H. (1976), p. 31 et sq.

[viii] HJELMSLEV L (1996), p. 44.

[ix] Cf. HJELMSLEV L. (1996), p. 21. et (1985), p. 41.

[x] HJELMSLEV L. (1968 : 66), dans sa version fonctionnaliste, le formule ainsi : "Si une seule et même grandeur contracte alternativement plusieurs fonctions différentes, et semble pouvoir être conçue comme sélectionnée par ces fonctions, il ne s’agit pourtant pas là d’un seul fonctif, mais de plusieurs, qui deviennent des objets différents selon la fonction à partir de laquelle on les considère ".

[xi] Notons que les particules élémentaires de chaque strate, sont triées par des critères distributionnels et classées d’après leur homogénéité formelle, se rangent dans le champ distributionnel. Par exemple, à cette étape d’analyse, le graphe a relève du même statut dans les mots "lirai", "pas", "manuel", et "pensa". La mêmes particule graphique fait partie du champ fonctionnel quand elle est examiné selon son rôle dans le mot écrit. Par exemple, les a de "pas" et de "pensa" se distinguent par le fait que dans le premier il transcrit uniquement le phonème [A] et dans le deuxième, tout en transcrivant le même phonème, il est un morphème grammatical.

[xii] On peut citer Aristote, qui parle de l’opposition matière / forme en privilégiant l’importance de la forme dans la conception de l’Être, ou E. Kant, pour qui les "formes" sont les intuitions de la sensibilité et les catégories de l’entendement qui dominent la "matière", en tant que chaos mouvant du divers, afin de constituer le phénomène. L’opposition substance / forme a aussi attiré l’attention d’autres philosophes comme LUCRéce, G.F.W. HEGEL, SCHELLING, GOETHE. (Cf. LEGRAND G. (1993), p. 142.)

[xiii] Cf. Hjelmslev L. (1985), p. 67, et aussi : "La substance est ce qui permet à la forme de se manifester ".

[xiv] Ce terme est emprunté à la citation suivante où l’opposition substance / forme est implicitement définie d’après le critère de permanence : "Tous les phénomènes [c’est-à-dire toutes les choses pour nous] contiennent quelque chose de permanent (substance) en tant que l’objet lui-même, et quelque chose de changeant en tant que simple détermination de cet objet, c’est-à-dire un mode d’existence de l’objet ". KANT E., Critique de la raison pure, cité dans HEIDEGGER M. (1972), p. 44.

[xv] Dans le même ouvrage, l’auteur parle du graphème comme un "signifiant de signifiant". Ibid. p. 36.

[xvi] Les seules exceptions qui sont enregistrées dans le PRE sont les mots d’emprunt fjord [fjCr(d)], fjeld [fjDld] et marijuana [marirwana/ mariFPana]. Cependant, les deux premiers mots sont dédoublés, à l’entrée dictionnairique, par leur variante formelle fiord et field. Quant au troisième mot, la double transcription phonétique accentue la correspondance incertaine du j et du phonème /r/. Ajoutons que ces phonogrammes stables ne font nullement partie des constituants d’un phonogramme complexe (Cf. Infra).

[xvii] Plus loin, elle s’exprime, ainsi, sur le décalage quantitatif entre le nombre des voyelles prises en compte dans son ouvrage et celui du système dit standard du français : "On se fonde en général en France sur un système à 36 phonèmes, 16 voyelles (dont 4 nasales), 17 consonnes et 3 semi-voyelles. Nous estimons que ce système ne répond actuellement ni aux réalités de la langue ni aux nécessités simplificatrices de la pédagogie. […] C’est pourquoi nous proposons un système phonique minimum, constitué comme suit : -Voyelles : 7 voyelles orales ([a], [e], [i], [o], [y], [u]) avec 3 variantes de position ([D], [C], [Z]) et [B] caduc ; 4 voyelles nasales ( [S], [R], [J], [X]) qui peuvent être ramenées à trois si l’on confond [R], [X] ; soit : 11 voyelles". Cf. Ibid.

[xviii] Parmi ces graphes, les quatre premiers peuvent être géminés. Dans ce cas, s’ils transcrivent deux phonèmes (ex. interracial [RtDrrasjal]), ils relèvent de bijection graphématique, et s’ils transcrivent un seul phonème (ex. immergé [imDrFe]), ils relèvent de conjonction graphématique.

[xix] Cf. GRUAZ C. (1990), p. 61.

[xx] GRUAZ C. (1990), p. 61.

[xxi] Nous empruntons cette division à CATACH N. (1986), p. 243-245.

[xxii] Ces exemples sont empruntés à N. CATACH (1986), p. 247.

[xxiii] Ces exemples sont empruntés à C.GRUAZ (1990 : 63).

[xxiv] Ce type de graphon est un graphon analogique dans le sens où il n’attribue à aucune fonction similaire des x finaux ayant une charge informative, comme on le voit, dans le mot cheveux par exemple. Cf. GRUAZ C. (1990), p. 64.

[xxv] Cf. YAGUELLO M. (1990), p. 33.

[xxvi] Dans le PRE, il y a un seul mot dans lequel le phonogramme final c correspond au phonème /g/. C’est le cas du mot zinc [zRg].


«Pour une approche graphémologique du mot écrit », Revue Langues et linguistique de l’université Laval, n. 29, 2003.



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